mercredi 16 mai 2007

Quoi de neuf

Je sais patron je sais voici une éternité que je n’ai pas mis les pieds ici mais je sais que vous aussi vous n’êtes pas venu souvent alors. Tout ce temps sans parler pourtant j’ai cuisiné. Rien de phénoménal mais des surprises comme ce tiramisu aux fraises raté mais tellement délicieux. Ou bien ces harengs marinés je n’en ai pas vu la couleur tellement. Ou encore ce magret choisi par mon boucher accompagné des pommes de terre de pépé elles ont un truc rien qu’à elle tenez quand je les ai jetées bien séchées dans la poêle chaude j’y ai retrouvé l’odeur de chez mémé. Des recettes oui mais des mots non. Paumée je suis je me raccroche à la queue de la casserole mais alors en silence. Seul le bruit du fourneau chut tais-toi et cuisine. Prépare coupe découpe épluche tranche en rondelles fais frire dorer rôtir déglace enfourne papillote déplie sors du frigo congèle pose sur la table et oublie. Oublie la grande table avec les voisins les amis les badauds les paumés les riches les pauvres les inadaptés. Pense maintenant que tu vas cuisiner plus pour manger plus. Moi je voulais cuisiner mieux. Pour manger mieux. J’avais envie de patates saines pour des plats sains. Mais la carotte nouvelle n’est pas de gauche madame. Peut-être que si. La carotte de pépé est de gauche monsieur. La part du pauvre chez pépé ce n’est pas le riche qui se la goinfre le ventre plein qui se gausse de cette part la bonne conscience on pense à eux. La part du pauvre qui geint dans le plat seul quel est le gros qui me mangera. La cuisine que je défends monsieur c’est la cuisine du partage. Pas de paillettes monsieur pas de piano où les casseroles en cuivre dansent pour les gourmets quatre étoiles. Les étoiles monsieur elles sont uniquement dans les yeux des enfants. Ma cuisine monsieur n’a pas sa place sur les grands bateaux ma cuisine monsieur elle invite à la soupe et puis c’est pain perdu tomate farcie purée de céleri concombre courgettes ça pousse comme du chiendent et on mange la serviette autour du cou bon appétit et on chante des slurp sur une musique joyeuse et ça fait chling et ça fait chlang tu en reveux bien volontiers. Ma cuisine monsieur je la fais avec le cœur. Avec ce qui pousse autour de nous. Ma cuisine ne se mérite pas monsieur elle est acquise sitôt les pieds sous la table. N’importe quel pied du 14 au 48 on prend monsieur. Vous êtes là vous me faites peur alors je cuisine en silence. Comme la tendre laitière dans sa douce lumière le peintre avait raison. Vous ici monsieur je ne vous regarderai point mais devant vos repas un coup allégé un coup gastronomique un coup tous à jeun un coup pique-nique sur les aires bétonnées j’opposerai sans cesse mes marmites prodigues. A votre garde rapprochée à la majorité aux obsédés du rendement aux effrayés de la terre aux chichiteux amers au con qui se plaint aux connes qui vous louent je brandirai fière ma cuillère de bois je partirai en guerre contre les mangeurs frustrés les potions charlatanes les fruits voyageurs de l’autre bout du monde je partirai en guerre contre les donneurs de leçons mangez ceci jeunes mamans mangez cela et vos kilos et vos cholestérols menteurs menteurs je partirai en guerre contre vos faux discours qui n’ont d’autres buts que de vous engraisser mes enfants sachez reconnaître la simplicité regardez dans nos terres regardez dans nos fermes regardez chez grand-mère et ne vous laissez pas berner la sincérité mes enfants est dans le seul amour du repas concocté pour que vous soyez plus fort et toujours généreux la sincérité mes enfants est de votre côté faut jamais l’oublier.

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