samedi 15 septembre 2007

De l’art de faire des restes

Il y a un truc que je fais souvent quand je cuisine, c’est de prévoir les restes. De penser que la maisonnée mange mal quand je ne suis pas là, et je ne suis pas toujours là, ça me rend malade. Je sais le dicton : apprends donc à pêcher à l’homme qui meurt de faim plutôt que de lui donner le fruit de ta pêche. Mais moi mes affamés préfèrent sortir du poisson pané surgelé du congelo et basta. Ah mon cœur ! Donc, avant de me lancer dans un long processus d’apprentissage de la cuisine qui va bien me demander vingt ans, je prépare mes plats en conséquence. Mais qu’on soit bien d’accord : pas question de faire une gamelle pour la semaine et voilà. Non, bien manger, vous le savez, c’est aussi manger varié. De tout.

Concrètement, quand je choisis de faire un plat, je le choisis selon plusieurs critères : que reste-t-il dans le frigo, est-ce pour un soir ou un midi, combien sommes-nous, attention si les uns raffolent des épinards les autres bof alors trouvons un légume consensuel, et, c’est l’objet du jour, est-il possible d’en faire un reste mangeable. Parce que tout ne fait pas de beaux restes. Un soufflé au roquefort je ne vous conseille pas. Une tourte se réchauffe mal. Les brochettes de poissons d’accord à condition que la première cuisson soit juste assez pour que repassé au four le poisson ne sèche pas. En revanche il existe des plats idéals qui font d’excellents restes. Et même des plats meilleurs réchauffés. La blanquette. Les tomates farcies. Les lasagnes. La soupe. N’oublions pas non plus les plats qui se mangent froids. Un bar en papillote dont le reste se déguste avec de la mayo. Un rôti de porc. Du poulet nettoyé consciencieusement fait de très bonnes salades composées. Ou des sandwichs pour les midis au bureau.

En général, je profite du week-end pour préparer, et je distille dans la semaine mes plats froids ou réchauffés. Dimanche soir vous verriez le frigo c’est un musée argenté – oui mes restes sont souvent emballés dans des feuilles d'alu. Il faut jongler pour trouver une petite place au malheureux dernier petit reste du week-end. Mais je me couche rassurée, épuisée et je tombe de sommeil le coeur léger, sans demander mon reste.

mardi 11 septembre 2007

Donner de la voie

Pouf elles étaient longues ces vacances ! Trois mois et demies. Et qu’est ce que je faisais moi pendant tout ce temps ? Je cultivais mon jardin. Pas évident par ce temps. Les jardins n’aiment pas la flotte. On mésestime toujours la notion météorologique dans nos histoires de potager. Prenez l’aubergine. Eh bien j’ai réellement découvert ce beau légume sous le soleil de Turquie. Je n’en avais jamais goûté auparavant. Ce que je mangeais c’était un pâlichon cliché d’aubergine. Car une vraie nourrit au soleil, c’est un régal, une pétarade de saveur. Une bouchée et vous voilà dans un sofa moelleux, votre langue devient folle de tant de subtilité, et se perd entre le velours et la très légère rugosité du légume. Je dis oui à l’aubergine de Turquie et à son entrée dans l’Europe, même si ce n’est pas excellent en terme d’environnement.

A part ça, dans mon jardin à moi, dans mon potager de Touraine, qu’ai-je bricolé ? J’y ai cherché ma voie. Car suffit pas de dire je veux travailler avec Jean-Pierre Coffe, encore faut-il s’en donner les moyens. Avant de le harceler avec mille et un subterfuges, je me devais d’être sûre de moi. De ma voie et de ma voix. Alors j’ai appris la radio. Oui oui j’ai appris à parler dans un micro. Savoir écrire parlé, respirer, voix de tête voix de gorge voix de masque, ça faisait des grands ah projetés sur le mur d’en face. Les pieds bien à plat parallèle sur le sol, les mains de chaque côté du micro. J’ai surtout travaillé l’impro. Evidemment autour de mon sujet de prédilection mais je suis allée voir ailleurs aussi : politique économie justice éducation tout ça. C’est pas mal. Mais rien à faire c’est quand j’ai parlé d’andouille à la poêle que je me suis éclatée. Vous m’auriez vu à l’aise dans le studio face à l’animateur formateur, un poisson dans l’eau. J’aurai pu parler pendant des heures. Ces drôles de tête dans la cabine de l’ingénieur du son à me regarder faire une ode à l’andouille de Guéméné ! J’ai adoré. J’ai très envie de recommencer. Et chaque matin je me dis bon sang toutes ces chroniques qui se perdent. Mais voilà, j’ai ma voie, ma voix. Et de nouveaux outils pour continuer à bêcher.

jeudi 31 mai 2007

Digression

Souvent patron tandis que les gens me parlent je pense à autre chose. Je pense au repas. Ça vous fait ça vous des fois ? Discussion sérieuse ou pas, je m’évade et j’entre dans la ronde des recettes. Des recettes passées en revue. Celle-ci oui celle-là non. Résumé des repas précédents. Revue des composants maintenant. Il nous faut des légumes. Oui des légumes parce que à midi féculents il fait varier c’est pas vous patron qui me contredirez. Des légumes verts. Des haricots ? Bof. Des petits pois ? Ils sont encore jeunes. Des carottes ? Pas possible c’était hier. Pas deux fois de suite. Même si c’est délicieux la carotte râpée préparée avec la râpeuse soucoupe volante. Je ne sais pas vous, patron, mais moi la carotte râpée du supermarché, je déteste. Comment font-ils, est-ce la sauce associée ou le robot qui râpe, aucune idée mais entre la carotte maison et l’industrielle, rien à voir. Et non seulement ça n’a rien à voir mais encore l’industrielle est infâme. Elle est sucrée elle est molle et colle au palais. Non franchement si vous aimez la carotte investissez dans une râpeuse manuelle. Il n’y a rien de tel.

AnneSophie vous m’écoutez ?
Hein euh oui bien sûr vous en étiez à bilan comptable allez-y continuez.

Bon qu’est-ce que je fais moi ce soir. Tiens une salade composée j’aime bien les salades composées. Elles sont comme des peintures à réaliser. Suffit pas de mélanger les ingrédients pour leurs seules saveurs mais également pour leurs formes et leurs couleurs. Si les tomates sont coupées en rondelles pensez à faire des cubes avec le concombre. Le champignon de Paris aime bien le pamplemousse et l’avocat. Beige rose vert c’est joli. Le roquefort se marie délicieusement avec le fenouil. Le chou vert avec les raisins. La mâche avec le canard. Le sot-l’y-laisse de poulet avec la laitue. Dans la branche du brocolis le cœur est délicieux on dirait du radis. La tomate cerise coupez-la en deux. Pensez aux aromates. A la maison on a le plus joli persil plat de la ville. Préférez le persil plat plutôt que le bouclé. La ciboulette aime le saumon fumé coupé en petits morceaux ça vaut l’aneth. Et puis et puis les indispensables oignons blancs jaunes rouges échalotes ail au choix, comme vous le sentez. Retirez le germe à l’intérieur il est la cause des mauvaises digestions. A part ça c’est très bon l’ail pour la santé.

Comment ça aïe qu’est-ce que je vous ai fait ?
Pardon ? Oh oui excusez-moi je pensais à, je pensais à, bref vous avez raison les marges commerciales de l’an passé ont régressé regardez j’ai fait une courbe.

Courbes courgettes tiens oui des courgettes. Mauvais souvenir cependant, il n’y a pas très longtemps j’ai essayé de faire un crumble avec, un désastre. J’ai peine à vous l’avouer patron mais on a tout jeté à la poubelle. Pourtant mon mignon me disait mais non ce n’est pas si mauvais c’est juste c’est juste, le pauvre il ne trouvait pas les mots, oui c’est juste pas bon mon chéri. Ce n’est pas souvent que je rate. Mais là ratage de toute beauté. Un fiasco royal. Je ne m’en suis pas vantée. Mais je sais que vous me pardonnerez. Non un simple velouté de courgettes, recette ultra simple, légumes à cuire puis à mixer avec une vache qui rit. Le fromage pour enfant hein, on s’entend. Ou de la crème fraîche pour les puristes. Ou du kiri pour les dissidents. Oui très bien velouté de courgettes et salade composée des restes du frigo on fait la collection des restes en ce moment. Un festival à nous.

Ça vous ennuie ce que je dis ?
Quoi ? Mais non voyons reprenez où vous en étiez. Vous êtes tout à fait passionnant.

Et en dessert qu’est-ce que je fais ?

samedi 26 mai 2007

Hommage

Le farci connaissez-vous ? C’est un plat du Poitou. A ma connaissance il ne s’est jamais exporté en dehors des frontières de la région poitevine. Peut-être aux villes limitrophes et encore. En tout cas ni au Japon ni aux Etats-Unis ni même à Paris. Longtemps j’ai cru que le farci n’avait qu’une seule famille, le jardin et la cuisine de mes grands-parents. Le farci est le genre de plat qui fait frémir les enfants. Imaginez ce n’est qu’un tas d’herbe. Bêêê je courais dans le potager de pépé quand il ramassait son chou. Mais on va pas manger ça, je disais incrédule. Le chou c’est pour les chèvres mon pépé. Mais si ma chérie on va le manger, ta mémé et moi on va préparer le farci, rejoins-la donc elle a cueilli les épinards, l’oseille et le persil. Epinards je pense à Popeye, Popeye le sauveur de l’épinard. Eh mais nom de Diou Sophie regarde donc où tu mets les pieds tu écrases les semis. Pépé aime bien râler. Depuis mon pépé j’aime bien les râleurs. C’est leur amour déguisé qui me transporte. Avec leur déguisement de loup je vois bien qu’ils nous aiment. Je vois bien la tendresse sous leur peau. La peau de mon grand-père qui sent le savon bon marché et l’after-shave vétyver. Les biceps tendus dis pépé tu me montres encore tes biscotos ? Les deux doigts de pépé arrachés par une machine agricole moi petite j’avais compris une machine à laver. J’avais trouvé mon pépé distrait tout de même. Les machines à laver je m’en suis longtemps méfié. Mais revenons au farci en voici mon souvenir. Il faut une bonne journée pour découper les herbes et le chou. Tout est haché menu menu. Un beau travail de concert entre ma grand-mère et mon grand-père. Les couteaux aiguisés clic clac clic clic sur les vieilles planches en bois. Une fois le travail de découpage terminé, les herbes sont placées dans une large feuille de chou. Mémé rajoute du lard pour donner du goût. Sous la dent j’adore ça c’est très gras et ça fond. Ensuite la feuille de chou est faite prisonnière dans une sorte de filet. Longtemps j’ai cru que c’était le filet des cheveux de mémé. Mais non c’est un filet bien spécifique. Pour finir la grosse boule d’herbes est plongée dans un pot-au-feu ou une soupe de légumes. Le farci cuit à petits bouillons pendant des heures et des heures. C’est pour ça que c’est bon. Je n’en ai encore jamais préparé. La prochaine fois que j’irai chez pépé et mémé, j’irai recueillir la véritable recette. Seuls, les ingrédients de mes souvenirs ne feront jamais le farci. Mais je ne cueillerai qu’une histoire de mémé, les deux sont bien trop vieux pour se mettre aux fourneaux. Ils n’ont plus l’énergie. Mais la relève est là. Pour que vive le farci.

mardi 22 mai 2007

Imaginons.

Imaginons que votre bon sens cède devant votre curiosité. Imaginons qu’excédé vous attrapiez votre téléphone, bonjour mais qu’est-ce que vous me voulez. Imaginons alors ma tête à moi. Tempête, le cœur à deux cents à l’heure, rouge pivoine dans le salon, avec les pieds j’aimerais bien faire une pirouette comme les héros quand ils sont contents et qu’ils s’en vont joyeux à travers champs mais je sais pas faire. Bon sang il m’appelle moi moi moi je me pince je rêve mais oui c’est imaginons on a dit. Ah je m’emballais déjà. Alors imaginons. Qu’est-ce que je vous veux ? Ben travailler avec vous patron, c’est écrit là, en haut. Vous êtes gentille mais mon équipe elle est déjà faite, je vais pas virer quelqu’un pour vous quand même. Ben non patron. C’est pas ce que je vous demande. Alors qu’est-ce que vous me voulez ? Déjà patron je n’arrive pas avec un paquet cadeau tout fait, mon travail avec vous on le définira ensemble. Et puis votre temps est précieux, je ne veux pas vous le faire perdre. Précieux, non, me répondez-vous imaginons. J’aime bien. J’aime que vous doutiez de la préciosité de votre temps. J’aime bien me dire que vous n’en êtes pas avare. Ça me permet de continuer à imaginer. Imaginer que je vous rencontre en vrai. Parce que du temps vous en avez. Du temps pour mes idées, mes désirs que je prends pour des réalités. Une improbabilité de plus, mais, et je sais que vous savez, j’ai un faible pour l’improbable. Qu’est-ce que je vous veux ? Je veux être une petite voix à l’antenne. Attention mademoiselle, au tout début si je vous ai bien suivi, il n’était pas question d’antenne mais d’enquête. Oui patron mais j’ai changé d’avis. Pour des raisons pratiques que je ne développe pas ici car nous imaginons, sinon pensez bien je vous dis tout. Non j’ai envie d’être une voix. J’ai le sentiment qu’elle peut s’ajouter à la vôtre. Une voix pas encombrante qui vous débarrasse d’une épine dans le pied par exemple. Tiens oui imaginons un cas précis, imaginons que les auditeurs soient de plus en plus critiques, qu'ils soient devenus acteurs et auteurs de courriers insensés, parce qu’ils ont entendu que ou qu’ils ont lu que. Je pense : ils sont mignons vos auditeurs. Vous me répondez : non ils sont cons. Imaginons qu’ils soient de plus en plus nombreux à vous écrire des âneries des tripotées d’âneries et que vous crouliez sous les mots lourds d’auditeurs. Les pauvres. Les naïfs. Les insolents. Les imbéciles. Mais les mignons. Faudrait une médiatrice de charme, pour leur proposer des rectificatifs-sur-ondes, des résumés des émissions précédentes, des mais ne soyez pas inquiets, des relais de leurs coup de gueule coup de cœur coup de poing, le tout en trois minutes le tout de bonne humeur. Et en chantant. Allez, patron laissez-moi faire, je m'en occupe. Une lectrice de courrier, une voix sur des maux, et me voici moi. Je suis utile et vous finissez par vous attacher à moi. Vous pensez que j’ai du bagou. Que je suis gonflée quand même. Quel culot celle-là. J’en ai vu des motivées mais des comme ça rarement. Une par an. Imaginons qu’on se rencontre en vrai. Imaginons que vous décrochiez le téléphone. Même que vous avez un peu peur que je fasse le siège devant la maison de la radio. Même que vous flippez d’être tombé sur une hystérique. Ça vous plait. Et moi aussi. Imaginons que votre sale caractère ne me rebute même pas. Imaginons que votre rudesse je réussisse à la dompter. Vous savez bien que je suis morte de trouille mais que je fais mine de. Imaginons qu’on s’entende bien. Qu’on fasse du bon boulot. Que je vous sois une petite bouffée d’oxygène. Imaginons qu’un jour un seul on rigole ensemble. Imaginons.

mercredi 16 mai 2007

Quoi de neuf

Je sais patron je sais voici une éternité que je n’ai pas mis les pieds ici mais je sais que vous aussi vous n’êtes pas venu souvent alors. Tout ce temps sans parler pourtant j’ai cuisiné. Rien de phénoménal mais des surprises comme ce tiramisu aux fraises raté mais tellement délicieux. Ou bien ces harengs marinés je n’en ai pas vu la couleur tellement. Ou encore ce magret choisi par mon boucher accompagné des pommes de terre de pépé elles ont un truc rien qu’à elle tenez quand je les ai jetées bien séchées dans la poêle chaude j’y ai retrouvé l’odeur de chez mémé. Des recettes oui mais des mots non. Paumée je suis je me raccroche à la queue de la casserole mais alors en silence. Seul le bruit du fourneau chut tais-toi et cuisine. Prépare coupe découpe épluche tranche en rondelles fais frire dorer rôtir déglace enfourne papillote déplie sors du frigo congèle pose sur la table et oublie. Oublie la grande table avec les voisins les amis les badauds les paumés les riches les pauvres les inadaptés. Pense maintenant que tu vas cuisiner plus pour manger plus. Moi je voulais cuisiner mieux. Pour manger mieux. J’avais envie de patates saines pour des plats sains. Mais la carotte nouvelle n’est pas de gauche madame. Peut-être que si. La carotte de pépé est de gauche monsieur. La part du pauvre chez pépé ce n’est pas le riche qui se la goinfre le ventre plein qui se gausse de cette part la bonne conscience on pense à eux. La part du pauvre qui geint dans le plat seul quel est le gros qui me mangera. La cuisine que je défends monsieur c’est la cuisine du partage. Pas de paillettes monsieur pas de piano où les casseroles en cuivre dansent pour les gourmets quatre étoiles. Les étoiles monsieur elles sont uniquement dans les yeux des enfants. Ma cuisine monsieur n’a pas sa place sur les grands bateaux ma cuisine monsieur elle invite à la soupe et puis c’est pain perdu tomate farcie purée de céleri concombre courgettes ça pousse comme du chiendent et on mange la serviette autour du cou bon appétit et on chante des slurp sur une musique joyeuse et ça fait chling et ça fait chlang tu en reveux bien volontiers. Ma cuisine monsieur je la fais avec le cœur. Avec ce qui pousse autour de nous. Ma cuisine ne se mérite pas monsieur elle est acquise sitôt les pieds sous la table. N’importe quel pied du 14 au 48 on prend monsieur. Vous êtes là vous me faites peur alors je cuisine en silence. Comme la tendre laitière dans sa douce lumière le peintre avait raison. Vous ici monsieur je ne vous regarderai point mais devant vos repas un coup allégé un coup gastronomique un coup tous à jeun un coup pique-nique sur les aires bétonnées j’opposerai sans cesse mes marmites prodigues. A votre garde rapprochée à la majorité aux obsédés du rendement aux effrayés de la terre aux chichiteux amers au con qui se plaint aux connes qui vous louent je brandirai fière ma cuillère de bois je partirai en guerre contre les mangeurs frustrés les potions charlatanes les fruits voyageurs de l’autre bout du monde je partirai en guerre contre les donneurs de leçons mangez ceci jeunes mamans mangez cela et vos kilos et vos cholestérols menteurs menteurs je partirai en guerre contre vos faux discours qui n’ont d’autres buts que de vous engraisser mes enfants sachez reconnaître la simplicité regardez dans nos terres regardez dans nos fermes regardez chez grand-mère et ne vous laissez pas berner la sincérité mes enfants est dans le seul amour du repas concocté pour que vous soyez plus fort et toujours généreux la sincérité mes enfants est de votre côté faut jamais l’oublier.

jeudi 12 avril 2007

Offrandes

Une longue nuit à passer encore avant notre presque rencontre. Pour fêter l’événement ce soir j’ai fait la soupe avec les pommes de terre du jardin de pépé les poireaux du jardin de maman les carottes du supermarché parce que tout comme vous je ne suis pas bêtement puriste je puise où je trouve. Je vous ai fait aussi des poireaux pour les manger à la vinaigrette n’est-ce pas que c’est simple et délicieux. Je devrais faire le ménage ici sur ce lieu mais là je n’ai pas le courage pourtant je sais que les invités arriveront d’une minute à l’autre eh bien asseyez-vous où bon vous semble je rangerai tout en parlant de mes cocktails. Jean-Pierre je suis un peu fatiguée d’une trop longue journée mais je suis bien heureuse de vous cueillir au matin. A demain.

Une heure trente

C’est le temps qui va nous séparer demain matin. Entre ma voix et la vôtre, entre la chronique où je suis invitée et votre numéro de charme, entre ma surexcitation et votre conseil culinaire seules quatre vingt dix minutes vont s’écouler sur la même onde. On aura jamais été aussi prêts l’un de l’autre. On ne vous a pas prévenu de ma première minute de gloire demain à six heures vingt ? Ah mais on ne vous dit jamais rien. Ce midi, ce jeudi, coup de fil bonjour c’est France Inter. J’avais compris c’est le ministère je voyais pas pourquoi le ministère m’appelait et d’ailleurs le ministère de quoi j’en savais rien. Mais d’un autre côté je ne m’attendais pas du tout à entendre bonjour c’est France Inter. Bonjour c’est blog à part la chronique de David Abiker. On voudrait bien savoir pourquoi votre blog pourquoi Jean-Pierre Coffe. Ah oui chic. Si je m’attendais. Prête pour une petite interview ? là maintenant ? là maintenant. Ben oui d’accord si je recule je risque le trac donc là maintenant d’accord. Attention ma fille voilà ta chance une chance unique enfin le patron va écouter ta voix a a a a je fais ma gamme dans ma tête je me concentre sous le soleil je fais ce mouvement buste épaules qu’ont tous les acteurs avant d’entrer en scène et c’est parti. Enfin pas tout de suite parce qu’à la radio on n’entend pas les questions posées donc je n’ai pas le droit de répondre oui. Ou non. Je dois faire des phrases sujet verbe complément me dit-on gentiment d’accord je suis docile. Alors pourquoi vous parce que vous savez bien Jean-Pierre vous qui passez ici régulièrement que la cuisine ça me transporte le bruit des casseroles et les repas à préparer à inventer les ingrédients à assembler et les à table à convoquer au-dessus de la mêlée pourquoi vous mais pour unir votre colère à la mienne le chagrin que l’on noie dans les marmites pleines des saveurs qu’on voudrait éternelles c’est votre emphase patron qui me transporte et votre constance et votre plainte et votre combat. Oui mais les pubs pour Weight Watcher. Je n’ai pas osé répondre que je ne connaissais pas je ne savais pas. Mais je vous ai défendu outrée mais voyons je le prends comme il est avec ces vices et ses travers et alors d’accord le jour où je serai dans son équipe d’enquêtrices et d’enquêteurs je lui ferai remarquer que c’est de la merde leurs plats tout prêts et on rira bien de ses cachets il a raison faut engranger et ne pas craindre de contredire tant qu’il dit contre tant qu’il dit pour. Vous êtes amoureuse. Mais non Jean-Pierre le sait il n’y a aucune ambiguïté. C’est de l’admiration. Et la recette de lui que vous préférez. Je n’en ai faites aucune désolée. Ce n’est pas ses recettes que j’engloutis mais le bonhomme sa bonhomie. Et votre recette à vous. Je lui ai dit le tartare double saumon frais et fumé ciboulettes citron échalotes émincées quelques gouttes de Tabasco une cuillère de ketchup sel poivre marinade une nuit au frigo servis sur blinis chauds. De tout ce que j’ai dit vous n’entendrez que quelques extraits je partage l’antenne avec deux autres femmes l’une fan de Bern l’autre de vous Nicolas. Oui ça vous surprend et moi aussi. Deux femmes comme moi qui prennent de leur temps pour papoter sur des héros sans cape et sans collant. A part peut-être Bern. Peut-être que je vais me faire des copines avec les deux de demain matin ça serait chouette.

Une petite heure et demie entre ma voix et la vôtre.

jeudi 29 mars 2007

A quoi tu penses ?

Aux recettes. Aux recettes à venir aux recettes cherchées aux recettes trouvées à celles que je vais faire et à celles que je vais partager à celles que je vais tenter et rater à celles que je vais passer à côté aux recettes appliquées aux recettes toutes prêtes aux recettes il n’y en a pas une pareil il y en a donc une infinité l’infinitude de la recette donne le tournis combinaisons infinies au symbole fatigué ∞ ce huit couché et rebondi aux recettes d’un couple épanoui aux recettes sociales on s’ennuie aux recettes à la fin des magazines à découper avec les petits ciseaux dessinés au cas où on n’aurait pas bien compris aux recettes allégées aux recettes alourdies aux recettes du bonheur de la pâte à tarte de la dinde farcie de la jeunesse sauve de la bonne santé c’est le principal aux recettes ridicules où un et un font deux alors que si on réfléchit un œuf et un œuf font une omelette et pas deux œufs aux recettes compliquées que maman a essayé le dos en compote on n’a pas trop aimé aux recettes fatiguées personne ne fait plus la poule au pot aux recettes gourmandes on en reprend un peu beaucoup à la folie aux recettes mon amour que je ferai pour toi aux recettes du futur celles que j’inventerai aux recettes d’une vie quand elle a trouvé son but aux recettes mortes de n’avoir pas pu comme chantait Brel aux recettes de ceux qui pensent y arriver avec de simples recettes sans savoir que sans magie sans talent on finit par manger une bouillie insipide et empoisonnée car sans passion sans raison on ne dépasse jamais le niveau d’une saucisse Herta ou d’un caprice des dieux non désolée aux recettes qui demanderont génie sans quoi rien aux recettes qui exigeront l’ingrédient élu et pas un autre aux recettes qui tomberont dans mon porte-monnaie et qui me serviront à faire d’autres recettes à toutes celles qui ne m’ont pas encore rencontrée à toutes celles que je n’ai pas encore essayées aux recettes qui donnent envie de vieillir pour pouvoir en faire d’autres sans jamais s’arrêter.

lundi 26 mars 2007

On devrait

Ce n’est peut-être qu’une histoire de déprime légère à l’approche du printemps. N’est-ce pas Jean-Pierre. Moi aussi cette période me déconcerte. On ne devrait pas. On devrait se réjouir des fleurs qui fleurissent et qui annoncent les fruits. On devrait acclamer les légumes ressurgis au fond des potagers. On devrait s’attendrir sur les petites abeilles qui assurent le relais. On devrait s’épanouir sous les rayons du soleil qui font rosir les tomates. On devrait jubiler devant les champs de blé mais aussi de colza la couleur est jolie. On devrait applaudir le retour d’une nature réveillée. Mais non. Pas envie. Ce n’est pas que l’hiver on aime ça. Mais le printemps annonce la renaissance il va falloir naître de nouveau et c’est une horrible souffrance de renaître. Ça veut dire tout recommencer. Ça veut dire déplier ses ailes sortir du cocon prendre une bouffée d’air puis hurler de douleur. C’est ça renaître. Voyez l’énergie du bourgeon à accoucher du fruit. Multipliez par des centaines de milliards de millions mais quelle terrible folie que d’éclore à nouveau. Chaque année c’est pareil ça me fatigue d’avance. Et puis j’angoisse vais-je y parvenir. Et si cette fois ce n’était pas possible. Et si cette fois je n’y arrivais pas. N’angoissez plus Jean-Pierre je suis là. Je vais essayer de vous faire rire. Et vous verrez une fois l’été entamé vous retrouverez le sourire.

Panique

J’ai mal dormi Jean-Pierre. J’angoisse. Aucune nouvelles de Nicolas. J’ai peur pour vous. J’ai peur que vous disparaissiez. Moment de panique incontrôlable. Si je vous perds non seulement ça compromet mon nouveau poste mais en plus je perds une boussole. Mon guide ma foi mon panneau de direction petite va par là suis-moi pose tes pieds où je laisse mes traces apprends puis enseigne cuisine et déguste goûte et découvre goûte et affine goûte et partage. Si je vous perds je perds ma raison de cuisinière. Et peu à peu viendront ma raison de mère puis ma raison de femme où irai-je donc sans ma farine et mon petit pot de beurre ma bobinette cherra. Que ferai-je des jolis instruments qu’on double à la maison. A quoi me serviront ces recettes mises de côté. Je ne pourrais plus faire un plat sans me mettre à pleurer. L’eau salée c’est bon pour l’eau des nouilles. En nouille je finirai. Je le sais que vous n’êtes pas éternel tout comme la neige des œufs de mon enfance quand Jacqueline nous faisait notre dessert préféré. Œufs à la neige. Ma madeleine à moi. Je le sais que vous ne durerez pas toute ma vie. Mais ne partez pas. Pas tout de suite. Pas maintenant.

dimanche 25 mars 2007

La reine du carré d’agneau

C’est moi. C’est mon mec qui le dit. Et il trouve que je fais la purée vite comme personne. Il fait des hum et des miam à chacune de ses bouchées. Il se régale en vrai. Ça te sonne ça t’en bouche un coin hein Nicolas. T’en restes baba je le vois je le sens. Mais trêves de compétition que tu as perdu d’avance tu ne fais pas le poids, je suis inquiète. Pour le patron. Je ne l’ai pas trouvé dans son assiette samedi midi. Dans les caves coopératives. Absolument pas concentré. Il bafouillait. On l’imaginait faire des ronds de mains agacées. Peut-être est-ce l’humidité les caves c’est pas très sains faut la santé c’est un coup à attraper la crève surtout si en sortant il se trouve un brin de vent pour vous cueillir. Peut-être n’avait-il pas préparé l’émission quelle blague impossible. Peut-être que le sujet ne le passionnait pas mais ne pas être passionné par le vin j’ai jamais vu ça. Je suis inquiète je pense qu’il a un coup de mou un trou d’air pas le moral début de déprime c’est peut-être la campagne ça lui manque ou au contraire la ville j’en sais rien moi je ne le connais pas assez et franchement je n'ai pas envie d'une intimité le boulot c'est le boulot on mélange pas les genres mais toi Nicolas qui fayote tu peux pas essayer de glaner du côté de ses humeurs et trouver les raisons de son apathie ? Trop d’apathie tue l’appétit et je serais malade s’il devait ne plus non j’ose pas l’écrire. Nicolas je compte sur toi.

vendredi 23 mars 2007

Jalouse

Je vais être un peu brutale Jean-Pierre mais je veux que tout soit clair entre nous. J’aimerais connaître la nature de vos rapports avec Nicolas. Oh faites pas semblant de ne pas savoir de quel Nicolas je parle il n’y en a qu’un. Non pas le candidat ça je m’en fous. Quoiqu’un jour on finira peut-être par parler politique tous les deux encore que je n’ai jamais remarqué que le sujet avait un quelconque intérêt à vos yeux. Non Nicolas le Nicolas du sept-neuf-trente. Nicolas D. Celui qui vous invite à l’antenne pour parler de la meilleure façon de braiser, à 7h53 le vendredi. D’ailleurs de quoi avez-vous parlé ce matin ? De saucisses. Et que ça comparait le diamètre et la longueur. Les différentes formes et fantaisies. Vous croyez que je ne vois pas son petit jeu à Nicolas ? De feindre de ne rien savoir et d’une voix langoureuse mais dites-moi Jean-Pierre avec l’accent sur le pierre comment voulez-vous farcir une poule avec une saucisse c’est trop dur la saucisse. Imbécile. Le patron parlait de chair à saucisse. C’était évident. Mais j’ai bien entendu chef que ça vous agaçait. Qu’à force d’ingénuité forcée vous alliez finir par le prendre en grippe. Que de cuisiner la formule de politesse à tout va la cocotte lèche- bottes finira par exploser. Vous aussi vous commencez à comprendre son petit jeu. Vous aussi vous le voyez venir avec ses gros sabots : et bien oui dites-le qu’il veut me souffler le job. Me prendre mon futur boulot. Mais je ne le laisserai pas faire. Je vais me battre. Parce que ça sera lui ou moi. Et s’il faut déballer mes connaissances en saucisses, et bien soit, je le ferai. Pourtant ce n’est pas mon genre de me la jouer. Mais je vais lutter. Et d’ailleurs Nicolas, la saucisse de Montbéliard, tu la connais ? Cuite à l’étouffé avec des lentilles tu savais ? Eh bien non eh bah voilà qu’est-ce que je disais : crétin. Laisse tomber Nicolas tu n’as plus aucune chance maintenant que tu es démasqué.

jeudi 22 mars 2007

Les pieds dans le plat

Prophétisons, poétisons, philosophons. Soit. Mais aussi : faisons de l’audience. Parce que je ne voudrais pas dire mais c’est désert ici. Pas de commentaires. Aucun rien. Vous encore Jean-Pierre, je comprends, la pudeur vous oblige à vous effacer, à lire en retrait en souriant bon enfant à me voir grandir sous votre aile. Vous craignez me voler la vedette. Vous restez attentivement jusqu’à très tard dans la nuit avec sur le nez vos jolies loupes assorties vous attendez patiemment mes nouvelles inventions mes nouvelles recettes jusqu’au jour où. Vous craquerez. Vous m’appellerez un peu confus voilà des années que je vous suis jour et nuit des années à écouter votre longue chanson votre poème infini votre ode rose et vos vers verts je n’en puis plus venez à l’antenne ah ça non jamais. Pas d’antenne mais des enquêtes. Même pas une petite chronique de rien du tout ? Mais non voyons Jean-Pierre j’ai dit non au départ vous vous souvenez pas ? Un simple bonjour alors. Non. Non. Non. Enfin on verra mais pas tout de suite pas maintenant je suis trop jeune pas assez mûre pas assez prête encore trop bête on en reparlera. De l’audience. Faire de la radio c’est aussi mesurer l’audience, en prendre compte tout en comptant. C’est comme envisager un rôti ou un gratin dauphinois sans prendre conscience de l’importance du four. De la température. J’entends des pff de ceux qui soupirent au fond mais vous vous fourvoyez si vous négligez le thermostat c’est fondamental la chaleur d’un four. Essayez de faire un bon gratin dauphinois dans un four à 240. N’importe quoi. 140 maximum pendant 70 minutes minimum. L’audience. Il faut créer l’appétit. L’appétit vient en mangeant. Donc en lisant. Donc je dois écrire. Pas beaucoup mais régulièrement. Trois repas dans la journée. Trois textes dans la semaine. Ou quatre. Un qui serait une sorte de goûter. Un quatre heures autour d’un thé ou d’un chocolat chaud ou d’une bière fraîche tout dépendra de la saison. Trois textes hebdomadaires pour le pain quotidien trouver les ingrédients frais. Faire le marché. Ne pas manquer les immanquables les qui font plaisir aux plus grands. Un texte sur la braise. La braise à ma façon. Ça ça va plaire ça ça va faire de l’audience. Un texte sur le vin j’en ai pas encore parlé. Allez dans le vif du sujet. Sexe alcool et brocoli. Mais oui vas-y ne tourne plus autour du pot c’est dans les vieux pots justement qu’on fait les meilleures soupes ma maman me l’a toujours dit. Dis oui maman au moins tu pourrais m’encourager. Un commentaire de ma mère ça l’impressionnerait le patron. N’en fais pas trop juste ce qu’il faut comme tu sais faire. Du genre vas-y continue ma chérie. Non ça c’est pas terrible. Du style ah la la elle a un grain mais on l’aime bien. Au village. Nan on ne te croirait pas. Bon écris ce que tu veux. Et moi je commence maintenant voilà ça y est j’y suis je mets le pied dans le plat le prochain sujet sera : j’ose pas. Sera : plouf plouf. Sera donc : eh bien vous verrez. Na.

lundi 19 mars 2007

La prophétie

Je regarde tourner depuis un moment le mot prophétie. Oui chez moi les mots tournent dans ma tête comme des oiseaux noirs, des corneilles ou des corbeaux qui planent inquiétants ou tranquilles selon le temps. Prophétie. C’est un joli mot. Ce tie qui se prononce scie est en soi admirable. Mais au-delà de la forme, le sens du mot me captive. C’est un mot avec de grandes ailes qui fait de l’ombre aux rayons du soleil. Prophétie. Le prophète. Le doigt de Dieu, d’un dieu, de Lui. Son doigt à Lui. Quand je pense prophète je pense à une sorte de mission impossible – oui le feuilleton – avec un homme en tunique blanche submergé de lumière et une voix sépulcrale qui surgit de derrière les nuages pour tonner : votre mission si vous l’acceptez … et là cochez la case qui vous sied. De répandre la bonne parole. Attention c’est la mission la plus souvent choisie, et donc la plus dure à mener. De se battre contre la misère du monde. D’explorer le sens de la vie. Un prophète est un homme, une femme si vous voulez, disons un homme avec une grande hache et une femme avec une petite fourchette, à qui un jour on confie une mission, le on étant complètement indéfini, une mission lui tombe dessous donc sans trop savoir comment ni pourquoi mais c’est comme ça, c’est trop lourd pour le prophète, c’est trop dur pour lui tout seul mais c’est sa mission et il n’a pas d’autres choix que d’accepter. Est-ce que mon futur patron est un prophète ? Evidemment que oui. Après est-ce que mon patron est Deleuzien vous allez me dire c’est une obsession. Je signale ici Jean-Pierre que depuis tout ce temps où je regardais les mots voler au dessus de ma tête j’ai tout de même appris que Deleuze n’est pas du tout Coffiste, il a horreur de manger, il répond à l’objection en disant que manger seul est d’une immense tristesse, dans le repas c’est la compagnie que l’on aime mais pas l’acte de manger et c’est vrai et il a raison et à N comme nourriture dit dans le M comme maladie il a fait l’apologie de l’abat, la cervelle, la langue et je ne sais plus. Pas le foie. Je ne sais plus. Fermons cette parenthèse. Donc, disais-je, mon patron est un prophète. Et moi en suis-je une ? Je n’en sais rien mais j’aimerais bien. Je n’ai pas vu la lumière, je n’ai pas de tunique blanche. Mais j’ai entendu une voix. Bon d’accord cette voix c’est la mienne et elle n’est pas sépulcrale mais plutôt douce n’empêche je l’ai entendu. Un jour alors qu’une fois de plus je regardais les mots voler en devinant les formes composées comme les nuages dans le ciel qui se transforment en dragon ou en théière, ce jour-là les mains perdues dans la pâte sablée, une voix – ma voix – est sortie de nulle part et m’a parlée : Votre mission si vous l’acceptez – je me suis vouvoyée pour le côté solennel même si on a, moi et ma voix, élevés les moutons ensemble ça fait quand même plus chic – votre mission donc arrête de m’interrompre tout le temps est de répandre l’amour à chacun des repas. Votre arme : marmiton.org. Votre force : le courage. Votre don : la magie des aliments mélangés. Allez zou plus vite que ça on s’y met. Ok. Très bien. D’accord. Je mets en place une petite stratégie. Mangez bon les enfants c’est important. La guerre aux plats tout prêts est entamée. Non mon chéri c’est le civet aux lentilles et sa panoplie de E infâmes sous vide ou moi. Fais ton choix. Dans les salades je coupe en cubes en rondelles en bâtonnets parce que la forme compte pour autant que le goût. Fraîche la salade je feins de m’évanouir quand une sous plastique s’est malencontreusement glissée dans le bac à légumes du frigo. Je veux que le repas soit une fête et pas une corvée. Je veux entendre les hum et voir les petites mains encore se servir. Là les mini-missions sont accomplies. Là je sens mes gaillards agaillardis. Là je protège et tout doucement je prophétise. Que votre pain quotidien soit toujours source de chaleur. De douceur. Que vos pieds sous la table y demeurent le temps du repos de vos guerres. Que vous sachiez manger comme vous apprendrez à jouir.

Parfois Jean-Pierre c’est trop dur. La mission est telle que sa démesure me consterne. Je sens que le chantier est gigantesque. Je me sens toute petite. Alors que vous, vous êtes un prophète, un vrai pas un bébé prophète comme moi. Je veux travailler avec vous pour être votre disciple. Me sentir épaulée. Me redonner courage quand je me remets à regarder les mots voler. Que vous me tiriez de cette contemplation pour m’enjoindre à continuer. A avancer. Allez il y a tellement à dire à faire. Parlez-nous AnneSophie de la protection. De marmiton. De vos petits gloutons. Des plats préparés. Des plats préférés. De l’amour qu’on y met dedans. De la grande cuisine douze étoiles ah le luxe tout ce que je déteste. Parlez-nous des femmes et de madame Pic. Des articles sur la peur de manger complètement débiles. De la peur de la ligne. Du rapport à la nourriture. Tout ce qui nous nourrit nous rend plus fort. Parlez-nous AnneSophie faites-vous prophète et philosophe. Prophétie et philosophie sont les mamelles du festin.

Sous votre aile à l’ombre de vos prophéties Jean-Pierre je serai à l’abri.

samedi 3 mars 2007

Mon patron est-il deleuzien ?

C’est la question que je me pose.

Je n’ai pas forcément perdu mon temps pendant l’arrêt maladie. Ce n’est pas un véritable arrêt c’est une pause d’ailleurs. Je pense qu’on devrait renommer les arrêts maladie par pause maladie. La vraie déprime s’abat justement quand on est persuadé que c’est définitif, quand on ne se souvient plus à quoi correspond l’état de bonne santé. Quand on a oublié. Ah mais je vous vois venir vous allez encore dire que je me disperse mais avouez que j’ai été à bonne école. Parce que oui allons-y parlons de vous un peu. Je ne fais que parler de moi et franchement ce n’est pas le sujet. Mais vous Jean-Pierre. On vous interroge sur le prix du lapin et vous finissez en transe sur le concept d’humanité. On vous dit colombo au menu et vous écrivez la partition de la symphonie dominicale. On vous dit sentez ça et vous geignez sur le devenir du Médoc. Une longue plainte dont vous seul êtes capable. Une élégie sur le vin où l’on voit ressurgir les ceps disparus des terres anatoliennes. Où l’on devine le goût que laissent les amphores au fond de nos verres. Où l’on risque le nez vers l’olive encore fraîche. Où le vin mes amis coule dans nos sangs. On vous laisse l’antenne et vous ne la rendez pas. Des micros kidnappés ça n’existe qu’à la grande maison ronde. Et les ondes séquestrées grelottent de peur. On vous laisse près d’une heure et vous faites un festin qui dure qui dure qui dure. Vous avez une notion du temps qui ferait sourire Kant. Si si il souriait. C’est Deleuze qui l’a dit. A propos vous savez quels sont les comiques préférés de Deleuze ? Votre langue au chat ? Oui votre langue de bœuf si vous voulez mais vous voulez savoir ou quoi ? Texto Beckett et Kafka. Sans blague.

Donc je n’ai pas perdu mon temps j’ai regardé l’abécédaire de Deleuze. Et j’ai pensé à vous souvent. Déjà, au moment du tournage, Deleuze est vieux. Comme vous. Oh vous vexez pas c’est bien d’être vieux je veux dire c’est pas plus con que d’être jeune. Et puis je ne voulais pas tant parler de l’âge que de la passion. Dès les premières images, le philosophe assis, vieux donc, est un peu ratatiné, décrépi, mal rasé, de mauvaise humeur, bourru, ça l’emmerde d’être là, surtout pour un abécédaire vingt six lettres on en a pour un moment, on sent qu’il regrette déjà d’avoir dit oui, qu’il regrette depuis le début si ça se trouve. Mais l’accord passé avec Claire qui mène l’entretien est que s’il y a matière à garder de leur conversation, elle ne sera de toute façon diffusée qu’après sa mort. Je pense que c’est bien la seule chose qui le retient. Ça l’amuse. Cet homme donc, vieux, peu enclin à l’exercice, commence par la lettre A et nous emmène dans le tourbillon de la vie. Non la philosophie n’est pas une affaire de spécialiste, non l’inconscient n’est pas un théâtre où se joue en permanence Hamlet ou Œdipe, non il n’a pas été cet enfant mais il a été un enfant, oui il y a un devenir animal comme il y a un devenir enfant ou un devenir femme, non il n’existe pas de devenir homme, non on n’invente pas des concepts mais on les crée, oui être de gauche c’est forcément être dans la minorité, non écrire n’est pas raconter sa petite chose privée, oui la joie c’est pénétrer une puissance, oui être triste c’est être soumis à un pouvoir, oui l’écriture est propre quand la parole est sale, non Freud, quand on dit ossuaire on dit milliers d’os et pas un os, oui l’affect du compositeur, oui le percept du peintre et de l’impressionniste, oui la joie d’accéder à la couleur, oui la folie d’y avoir accès, oui la folie tant qu’on ne devient pas une loque. Je m’arrête là parce que d’une part j’ai stoppé l’abécédaire à la lettre J comme joie et que je m’apprête à embarquer pour le L comme littérature et puis d’autre part je voudrais revenir à ma question de départ : Mon patron est-il deleuzien ?

Eh bien il me semble que oui. Pas seulement parce qu’il est vieux comme Deleuze, d’autant que la ressemblance s’arrête là vu que Deleuze est mort et pas mon patron, mais il y a cette même passion voire cette même parole à la limite de la subversion. Jean-Pierre, vous ne nous parlez pas nourriture pour nous parler nourriture, vous parlez concept de nourriture, universalité de nourriture, cosmos de nourriture. Faire un marché sans se faire plumer, revendiquer sa chasteté sa pauvreté, invoquer la braise à ciel ouvert, entonner la plainte sempiternelle, dénoncer les snobs les charlatans, ramener de terre la fertilité, déclarer la guerre à la malbouffe, ordonner la foudre pour la gagner, toujours être au bord, à la limite de l’animalité, se fondre cochon vache brebis pomme de terre brocoli ou céleri pour parler pour eux, à la place d’eux, parler pour la terre et ses richesses en tant que concept platonicien de terre détachée de toute main mise de main d’homme et puis, dans le repas qu’on vous prépare, comme le peintre figer saveur figer l’instant qui ne dure pas, ne pas frémir devant le gras et les épices et les fonds de sauce pour un instant toucher du doigt cette puissance, cet objet du désir que l’on déploie en agencement pour une fourchetée joyeuse, un mets réussi, un dîner d’amoureux, un banquet dans les étoiles, un festin fou, une orgie aliénée, comme dans la grande bouffe de Ferreri, comme dans le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Greenaway. Comme dans la bouche de Deleuze. Comme sous les doigts de mon patron.

Le seul truc que je me demande c’est qu’est-ce que vous faites le dimanche chez Drucker ?

Expé du déjeuner comme dirait Chloé

Eplucher cinq carottes une pomme de terre et couper cinq branches de céleri débarrassé de ses feuilles
Cuire tous les légumes vingt minutes dans l’eau salée dans laquelle vous ajouterez une cuillerée de cumin en poudre
Passer à la passoire mais garder le bouillon pour cuire des pâtes demain soir
Laisser juste un fond humide avec les légumes cuits
Puis ajouter un peu de crème liquide
Enfin mixer pour en faire une purée.

C’est délicieux.

Comme dit mon mec, c’est expé comme dirait Chloé.

Recette #1

En attendant l’embauche promise, j’ai eu l’idée cette nuit de scander mon – j’allais dire appel du pied mais non mais non disons franchement ma sommation à l’embauche – par des recettes de ma fabrication. Au mieux ça créera du trafic sur mon site au pire j’éplucherai les insultes des ignares mangeurs qui n’aiment pas l’expérimentation.

Pour cette première recette donc, nous étions deux. Un novice que je nommerai Pierre et une experte que je nommerai moi. Comme dans tout sujet qui vaut le coup qu'on s'y penche encore faut-il un problème et un énoncé.

Le problème : dis donc à midi on pourrait pas faire un truc à base de bananes ?

L’énoncé : à partir de bananes comment peut-on élaborer un plat qui se tient.

La solution : prenez trois belles escalopes de poulet que vous découperez en lamelles pas trop fines avec une paire de ciseau préalablement nettoyée. Mettre de l’eau à bouillir pour y plonger plus tard les spaghettis frais achetés au supermarché. Pierre as-tu salé l’eau ? Peux-tu mettre un couvercle sur la casserole ça permet de dépenser moins d’énergie merci mon petit. Faire fondre du beurre dans une poêle oui comme ça c’est assez et, une fois que la poêle est bien chaude en ayant pris soin que le beurre ne brûle pas, jetez-y les lamelles de poulet. Faites saisir en remuant de temps en temps. Quel temps ? Environ toutes les quarante secondes. Une fois que la viande est saisie, ajoutez les rondelles de bananes et les morceaux d’ananas. Dis donc ça m’étonne que tu aies acheté des ananas en boîte c’est pas ton genre pourtant. Oui mon novice mais un ananas à trois euros quatre vingt quinze franchement c’est du foutage de gueule. Patron je sais que vous me pardonnerez. Enfin, ajoutez le lait de coco, une pincée de noix de muscade moulue ainsi que de la coriandre moule elle aussi. Finissez par sel poivre et quelques gouttes de Tabasco pour relever le goût. Quand la cuisson vous semble sur le point d’aboutir n’oubliez pas les pâtes à mettre dans l’eau qui bouillonne. C’est prêt. Servez d’abord les spaghettis puis la viande et sa sauce. Dégustez. C’est pas mal. Sept sur dix.

Conclusion : tu crois que si on ouvrait un restaurant les gens pourraient nous dire mouais il manque ça et ci et ça ?

Je sais pas en tout cas le novice s’est resservi trois fois.

Mon premier arrêt maladie

Et mon dernier. Désolée patron de mon silence. Voici ma feuille marron celle que m’a donnée le médecin je ne pouvais pas faire autrement que de rester au lit le corps pris d’assaut par des virus par des microbes une bombardée quand ils s’associaient les uns aux autres en dansant joyeusement dans mon corps affaibli. Saletés. Traites. Mauvaises bêtes. J’ai lutté de tout mon vocabulaire. Et pourtant. J’ai succombé. Et j’ai tellement honte Jean-Pierre. Tellement. Je vous assure je suis une fille solide. Taillée dans le roc. Des cuisses à faire pâlir n’importe quelle pouliche de compétition. Des épaules bâties pour porter des sacs de farine d’au moins dix kilos. Piscine tous les mardis. Travail des muscles du dos. Fessiers. Pas abdominaux c’est le seul inconvénient de la natation il faudrait pour cela courir mais j’aime pas. Je m’ennuie quand je cours. Tandis que dans l’eau je me sens poisson j’évolue sirène je travaille à pétrir les éléments du corps sous le rouleau à tapisser de l’eau. Un corps pas vraiment d’athlète mais solide. Une bûche. Une fille de la campagne. Une Suzon en blouse bleue qui essuie la sueur de son front d’un revers de la main. Une Juliette aux mains agiles à broder sans lunettes les draps trop rêches depuis les lessives mécaniques. Une Manon qu’on devine les jambes galbées sous les collants de laine. Une Paulette aux yeux sévères quand il faut éplucher les carottes. Une Yvonne des villes pour aller vendre les œufs. Une Raymonde des champs pour taquiner le pis. Une méla méla Mélanie mets-la mets-la mets-la dans ton lit. C’est la chanson de mon grand-père celle qui énervait ma grand-mère et qui faisait glousser ma soeur et moi. Une brave je vous dis. Pas une qui tombe malade au premier coup de vent. Pas une qu’à la goutte au nez tout le temps. Pas une qui mange médicament. Une fille de la nature. Venez au creux de mon cou et vous sentirez la paille. Les céréales pour les lapins. La terre des céleris-raves. Fouillez mes cheveux et vous trouverez les bouts des haricots. Des plumes de mon coq. La coquille de mon œuf. Tâtez mais tâtez donc je suis élevée au grain je vous dis je ne vous ai pas menti sur la marchandise regardez ma boucle à l’oreille voyez l’origine cinquante pour cent Poitou le reste de Bretagne on peut guère faire mieux que ma ruralité mon origine contrôlée. Donc oui j’ai été faible face à la maladie. Mais là n’est pas le pire. Je n’ose pas vous dire. J’ai honte.

J’ai fini aux antibiotiques.

jeudi 22 février 2007

L’enquête de gland

Pour une première je m’en souviendrai. Quelle idée une enquête sur les queues de cochon. J’avoue j’ai été prétentieuse. Gonflée à bloc il va voir ce qu’il va voir. Je mets mon groin en plastique et je pars dans la nature. Adieu veau vache et bonjour cochon. J’enquête minutieusement sur les bancs d’école dans les restaurants dans les bibliothèques dans les discothèques dans les supermarchés et les marchés tout courts vous savez bien le cochon est partout. J’en quête dans les forêts. J’en ai croisés des petits des cochonnets des qui s’en dédient des souls des bêtes des sales mais aussi des très intelligents avec l’humeur pas possible. Pour mon enquête je me suis faite cochon on pourra pas dire elle est passée à côté du sujet.

Alors que je reniflais au bord de mon auge à me frotter les soies sauvages sur un tronc d’arbre m’est apparu un drôle de gars. Il portait une simple feuille de vigne ou serait-ce d’érable c’est vrai que les deux se ressemblent, bien que l’érable dans nos contrées c’est assez rare, quoiqu’il en soit il était très peu vêtu voilà ce dont je me souviens. Il s’appelait François. Il avait l’air gentil mais triste. Il s’est assis à côté de moi et a commencé à pleurer. Mon pauvre mon pauvre mon pauvre petit nanimal, sanglota-t-il, si tu savais comment tu vas finir si tu savais la vraie nature de l’homme ta jolie petite queue il vont te la trancher comme ta gorge avec une épée et tu vas souffrir et je verrais dans tes yeux verts mais bon sang ce que tu as de jolis yeux pour un cochon dans tes yeux verts donc la lueur qui fait que tu es bon. Contrairement à l’homme ce salaud. Ce sanguinaire dictateur tortionnaire des pauvres petits nanimaux. Je lui réponds zanimaux parce que quand même faut bien que je dise quelque chose et en plus j’ai toujours détesté les mauvaises liaisons autant vous prévenir Jean-Pierre je suis capable de vous reprendre à l’antenne pour une liaison erronée, voire pour un voire même, je ne supporte pas. Reprenons. Mais, dit le François, tu parles ? Tu parles si je parle oui oui je parle voyons. Et là le gars s’est mis za genoux et a crié allez je sais plus bien qui. Et puis il a claironné une folle phrase qui disait en gros qu’il avait toujours été sûr que les nanimaux – zanimaux François zanimaux – avaient une âme comme nous et même comme les femmes, qu’il allait partir en croisade contre tous ces salopards de bouchers et de charcutiers et de boulangers ben oui ceux qui mettent du chorizo dans leurs baguettes eh eh et que cette tuerie ce massacre ce génocide des nanimaux – attention, encore un autre François et je te fais bouffer ta feuille de vigne ou d’érable fais gaffe – allait enfin cesser qu’à partir de ce jour où il entendit parler le cochon aux yeux verts plus aucune petite bête plus la moindre petite fourmi le moindre petit sanglier le moindre petit cloporte la moindre petite girafe le moindre peuplier ne souffriraient et ça pas plus tard que maintenant qu’il allait partir en guerre contre les scalpels monstrueux et les pistolets des bâtards de tous ces connards qui fusillent sans même leur offrir une dernière clope aux pauvres nanimaux.

Contrairement à la feuille de vigne ou d’érable, la feuille de chêne est très reconnaissable grâce à ces bords lobés. C’est sous un chêne que je l’ai enterré.

dimanche 18 février 2007

Le cochon

Ça me fascine chez vous, Jean-Pierre. Votre emphase. Bien sûr c’est l’origine de votre succès, la clé de voûte de votre réussite même si pas seulement. Mais alors quelle grande gueule. Vous dites truffes au chocolat pomme de reinette tartiflette cidre brut bière d’abbaye porc au miel papaye et crustacés et me voici dans une chanson qui ne s’arrête de tourner. Un manège. Sortent de votre bouche en cascade en tournante le murmure des forêts quand on cueille les champignons, le brouhaha incessant des marchés du samedi, les grosses voix des fermiers tout au bout de leurs champs, les bêlements de cette chèvre qui ne se laisse pas faire, le triomphe des tracteurs à la fin des moissons, le claquement des palais quand on goûte le vin, les gling-gling des couverts que l’on met sur la table, le ppppt des lèvres quand on crache les noyaux, le dring de la minuterie la cuisson est finie, les bouillons en cocotte de la braise annoncée, les ronchons symboliques du producteur bafoué, les colères historiques des paysans baisés, le cri douloureux et gravé à jamais du cochon qu’on égorge.

En parlant de cochon, je pensais tout avoir entendu sur l’animal, tenez que tout est bon, des oreilles qui croustillent aux pieds qu’on peut paner, du jambon cru ou cuit du jarret des travers, des rillons par exemple c’est typiquement tourangeau, du museau à la queue tiens la queue qu’est-ce qu’on en fait ? La queue de bœuf oui d’accord, dans un pot au feu ou cuite au vin très très longtemps avec des épices cette viande est tendre et ne ressemble à rien, mais la queue du cochon qu’en fait-on en cuisine ? Si vous voulez, ça peut être mon premier sujet d’enquête. Que faire de la queue du cochon. Je me charge évidemment de trouver les invités, de mener mon affaire aux quatre coins de France, de l’artisan qui recycle le malheureux appendice en tire-bouchon décoratif aux vrais restaurateurs qui affichent en lettres d’or la petite queue comme spécialité du chef. Une investigation à vous couper le souffle. Un premier sujet aux petits oignons. Ah vous ne regretterez pas de m’avoir embauchée. Vous pouvez commencer à vous frotter les mains une telle recrue du jamais vu. Le coup du siècle. Mais revenons à nos cochons. Je pensais tout avoir entendu sur le cochon mais non. Il a fallu votre emphase de vendredi dernier avec votre copain le petit Nicolas pour que je me rende compte que le porc était un mystère encore pour moi. Vous me parlez de côtes et voilà que "le goût l’esprit la générosité de la bête s’offre à moi". Je vous écoute au café et j’ai envie de cochon là tout de suite maintenant. J’ai envie d’une bête qui s’offre à moi. J’ai envie à la fois d’adopter l’animal et de me faire fermière. D’une blouse bleue comme mémé et d’un petit porc à moi que je vais bien élever. Vous me mettez l’eau et le cochon à la bouche. Ça me fascine je vous disais. Vous réinventez ce que je connaissais déjà. Où allez-vous chercher tout ça ? Comment vais-je faire pour au moins vous arriver un jour à la cheville ? Parce que d’accord je suis sérieuse mais quand même plutôt timide. Oui oui vous avez raison mon futur patron : chaque chose en son temps. D’abord les enquêtes. Ensuite votre succession. Vous êtes le plus sage derrière votre emphase. Et moi je pars à la quête des queues de cochons.

vendredi 16 février 2007

Fallait pas poser la question

  • dis, pourquoi ton blog est vert ?
  • il est vert comme le vert des courgettes pardi ! vert comme les feuilles de salades, comme les feuilles des arbres, vert comme les forêts, comme la couleur de mes yeux les yeux de vipères, vert comme vert de rage, verre de vin, ver de terre, vers de poésie, vert pour rimer avec Jean-Pierre ou avec Molière mais pas avec Nicolas ou rimer avec la colère avec les rivières mais pas avec Bénédicte, vert comme les grands-pères ou la mousse des arbres, vert comme les haricots verts ou zaricots verts comme disent les enfants, vert comme un bout de planète quand on la voit de loin, vert comme les petits hommes verts ils sont bien plus nombreux qu’ils en ont l’air, vert quand il y a de la poussière il aime pas la poussière, vert comme la grenouille et mon prince charmant, vert comme allez de l’avant aller vers l’avenir aller à l’envers ou dans le sens du vent, vert comme chez les écolos ils sont rigolos enfin moi ils m’amusent, vert quand t’as pas respecté ta parole tes promesses, vers c’est aussi de travers, vert comme les fruits pas trop mûrs, vert comme notre univers on ne sait toujours pas s’il est fini ou ouvert, vert comme les petits pois et aussi ma princesse qui ne pouvait pas dormir si sous son matelas on glissait un pois vert, vert comme la couleur des murs quand ils sont attaqués par la vigne ou le lierre, verts comme les citrons les poivrons qui avant d’être jaunes ont commencé verts, vert comme le ver est dans le fruit ça vous pend tous au nez, vert la couleur du feu quand on peut y aller la couleur du bonhomme quand on peut traverser, vert la couleur de l’espoir parce que moi j’y crois fort j’y crois dur comme fer j’y crois dur comme vert.

jeudi 15 février 2007

Mes instruments

Il y a bien un moment où il faut donner des gages de sérieux, non ? Montrer patte blanche avant de les mettre dans la farine donner un signe de professionnalisme voyons faire une émission c’est compliqué tout amateurisme est renvoyé c’est un domaine de précision de courage de bagou de motivation et puis à la radio on entre pas comme ça comme dans un moulin quoique pour la farine ça serait plus pratique et puis la radio c’est petit et moi je suis grande mais comment voulez-vous que je rentre dedans ? Mais non Jean-Pierre je plaisante. Que je vous dise. Oui mes blagues sont primaires mais c’est ce qui fait mon charme enfin je l’espère. J’ai la poésie niaise mais la blague paysanne. La blague franche avec des grosses cuisses vous voyez ? Pas lourde non mais un peu quand même.

Revenons au sujet je divague alors qu’au départ je voulais seulement vous donnez une preuve de mes compétences. Comme dans un curriculum vitae. Maîtrise l’environnement informatique, anglais lu et parlé couramment, allemand niveau baccalauréat, russe notions. Je dis ça par exemple hein l’anglais je le comprends très mal l’allemand ben je sais que les verbes se mettent à la fin et le russe ça faisait joli et impressionnant maintenant c’était pour vous remettre en mémoire la partie compétences des curriculus vitae ah si j’ai fait du latin jusqu’à la licence. Si je devais remplir cette partie-là voilà comment je l’organiserais :

Possède et maîtrise presse-purée mécanique, rasoir à légumes, cuillère écumoire, couteau pour les fruits couteau pour la viande couteau grande lame quand les autres sont sales, râpe en forme d’une soucoupe volante pour faire les carottes râpées, poêles et casseroles qui n’attachent pas, cocotte en fonte c’est un cadeau de ma maman je ne cite pas de marque mais c’est la rolls des cocottes, cocotte minute pour les légumes à la vapeur, cuisinière gaz pour les brûleurs électricité pour le four, blender voyez comme je m’exprime en anglais, mixeur est-ce bien français pour faire les soupes, les guacamols et les purées brocolis ou pommes de terre ou carottes ou courgettes pour mon petit quand il n’avait pas encore de dents, c’est important de trouver le temps pour l’enfant sans dent de lui préparer des petits plats du soir il aurait fallu me passer sur le corps pour lui faire avaler un truc tout préparé même si parfois je succombais aux petits pots purée de maïs mais c’est bien tout.

Un jour, mes mignons à la maison, attelés à la vaisselle, se moquaient de mon équipement. Regarde ce presse-purée tu dois avoir le dernier modèle au monde non il n’en sort plus des comme ça aujourd’hui ? Et cette chose qui ressemble à une soucoupe volante ? Ils rigolaient franchement c’est vrai que mis à sécher comme ça ça donnait l’impression d’une exposition d’instruments insolites, presque de torture, d’objets incongrus venus du Moyen-Âge. Ils m’ont un peu vexée, comme s’ils étaient entrés dans ma salle de bains pour y voir les crèmes les pinces à épiler les ciseaux pour couper les poils de nez les fards ou les rimmels toutes ces choses qui ne sont pas dans mon inventaire mais qui doivent, j’imagine, faire partie des secret de beauté. Mon épluche légumes secret de séduction. Pourquoi pas. Faut éplucher.

dimanche 11 février 2007

L’intermède

Patron, je ne sais comment vous allez accueillir la petite chanson, là, sous ce texte. Je me suis dit qu’un intermède musical ça vous plairait. Mais peut-être pas. Je vous ai déjà entendu tonner contre ces pauses encombrantes, pester contre la chansonnette qui casse le rythme de l’émission, contre la torture d’avoir à suivre un chemin de fer tout tracé, là Jean-Pierre à midi et vingt-huit minutes vous nous lancerez la midinette et sa guitare ou le loufoque qu’on comprend rien parce qu’il chante anglais. Du coup je ne sais pas si mon initiative va vous séduire. Pire si elle ne va pas carrément vous contrarier. Mais d’un autre côté je préfère vous le dire tout de suite pour éviter tous malentendus j’aime bien en avoir. Des initiatives. Rajouter une cuillère de caramel au dernier moment là dedans t’es sûre du sucré avec tout ce salé bah oui essayons. Faire des rimes j’aime beaucoup la poésie niaise. Tenez, poésie niaise, je viens à l’instant là maintenant alors que je vous écris je viens tout juste d’inventer ce genre, poésie niaise ah voilà ça vient de sortir, là sous mes doigts c’est ce que je tente de vous expliquer je peux être volcan et ne suis pas formatée. Ni formatable. Vous me direz génial une poétesse niaise pourquoi pas, des initiatives eh bien oui allons-y mais il y a un mais. Les gens comme moi sont difficilement dociles. Ils n’en font qu’à leur tête. Je suis capable de repeindre votre studio en mauve par exemple. Ou d’imposer le pain aux raisins tous les matins au bureau alors que je suis sûre que vous mangez actuellement des croissants au beurre avant d’enregistrer alors qu’un bon pain aux raisins bref on en reparlera. Je hais les malentendus. Alors si mon intermède musical ne vous plait pas, dites-le moi immédiatement. Qui ne dit mot consent si vous ne dites rien alors chouette. Je savais que ça marcherait entre nous que vous laisseriez libre cours à mes fantaisies que ça serait un plaisir de travailler avec vous. Chic.

Le dégoût du ragoût

Le ragoût pleure
Sur gazinière
Pendant dix heures
Il est amer

Abandonné
Seul aux lauriers
Aux haricots
A peine gonflés

Une nuit c’est long
Parce que ça flotte
Entre oignons
Et échalotes

D’un autre côté
Ça le fait rougir
Un peu flatté
Du coup de la panne

C’est la seule fois
De toute sa vie
Qu’on lui fera
Cette comédie

C’est un peu naze
Il est d’accord
C’est un peu long
Avant qu’ça reprenne

Mieux vaut en rire
Finit par croire
Le sage ragoût dans sa cocotte
Mieux vaut en rire
En attendant
Que le gaz revienne

samedi 10 février 2007

Tête vide

Je sais c’est pas vendeur mais parfois j’ai la tête vide. Vide de vide. Rien. De l’air passe à défaut des anges de l’air vide. Une nulle une ratée une qui a le QI d’un mollusque d’un rat musqué deux neurones et encore ils passent leur temps à se chercher. Sans jamais se trouver. C’est parfois c’est pas toujours mais quand ça y est je ne peux plus réfléchir. Tout me semble compliqué. Tout me semble bruyant. Un vacarme du bruit j’entends ce qu’on dit j’écoute même je vois bien que ce sont des mots qui signifient des signifiants mais je comprends pas ce qu’ils veulent me dire. Imperméable. Bête et puis tout ce qui va avec. Incapable. Et puis laide. Evidemment. Bonne à rien. Bonne à rien faire. Ne souriez pas le pire la tragédie c’est le repas. Parce que dans ces cas-là je n’ai plus envie de cuisiner. La moindre tourte bof. C’est quoi qu’on mange mais j’en sais rien. Sais pas moi j’ai plus d’idées. D’habitude ça vient tout seul et si je faisais cuire un ragoût mi-lentilles mi-haricots secs avec du veau ou de l’agneau pense à acheter une gousse d’ail chez l’épicier il reste encore deux ou trois feuilles de laurier et même du thym qu’on a cueilli dans les alpages près des moutons qui donnaient faim le petit gigot. Mais quand la tête vide c’est laborieux. Même un plat de pâtes pas réussi. J’ai essayé pour les petits allez vite fait ça c’est fastoche un oignon frit sur huile d’olive à l’estragon tomates en boîtes bien oui l’hiver elles sont meilleures que les choses rouges en plastique sur rayons frais laissez-moi rire ça des tomates là je suis d’accord Jean-Pierre la tomate en hiver c’est une farce pas drôle c’est une hérésie c’est du n’importe quoi j’ai pas encore la rage comme vous savez le faire mais je vais apprendre ne craigniez rien. Donc revenons aux petits à maman j’ai faim les nouilles papillons plongées dans l’eau bouillante jetez le sel pour accentuer le bouillonnement jetez les pâtes juste huit minutes puis égouttez bon à saisir avec la sauce servir de suite et là mouais. Raté. Médiocre. Bah quoi j’avais mis de l’amour pourtant. Non pas assez. Parfois la fatigue rabote le courage et l’amour dans tout ça ? Besoin d’être courageux pour l’amour à donner ? Ça vient pas tout seul l’amour, comme une source qui coule de source ? Je sais c’est pas vendeur mais les jours de tête vide mieux vaut aller au restaurant.

vendredi 9 février 2007

Une simple histoire de braise ?

Tout est dans le titre de ce blog je ne peux pas être plus explicite. Je veux travailler avec Jean-Pierre Coffe. Tout est dit mais je peux préciser. Je veux travailler dans l’équipe qui prépare ses émissions du samedi midi non non pas parler dans le micro juste faire les dossiers que Jean-Pierre annoncera. Je dis Jean-Pierre mais je ne sais s’il faut le tutoyer ou pas. J’ai qu’à l’appeler patron après on verra. Quand on aura fait deux ou trois saisons ensemble quand on se sera étripé sur de l’utilisation ou non du fond de veau quand il aura trouvé que quand même passer mon week-end à revisiter les recettes on peut dire que je suis zélée mais quand surtout on aura fait un Noël ensemble – oui je trouve que Noël avec mon futur patron ça doit tisser des liens – on verra si je l’appelle par son prénom. Une chose est sûre on ne se tutoiera pas. Hors de question.

Pourquoi lui ? Et bien c’est tout l’objet de ce blog.

Pourquoi ce blog ? Pour travailler avec Jean-Pierre Coffe pardi. Je vais faire tellement de post, être tellement motivée, drôle, pertinente, inventive qu’un jour ou l’autre il finira par entendre parler de moi et donc m’embaucher. C’est pas une idée de moi ce blog c’est une idée de mon mec. Mais mon mec je peux pas vraiment vous en parler car il fait déjà l’objet d’un autre blog que je tiens secret. Alors que ce blog-ci est destiné aux plus de gens possible pour arriver un jour dans les oreilles de mon futur patron. Mais qu’on soit bien d’accord. Je veux travailler avec Jean-Pierre Coffe mais je ne cherche pas de travail. J’en ai déjà un, un travail. Quand mon futur patron me proposera le poste je quitterai celui que j’ai mais dans aucun autre cas je changerai de métier. Donc revenons à nos moutons élevés dans les Alpes de Haute Provence – voyez je commence à attirer le patron dès le premier jour – je fais ce blog pour faire un buzz. Etre chroniquée sur France Inter ou en lien comme site insolite sur des portails connus. Avoir une ligne dans Métro et un filet dans la Nouvelle république point comme. Je pourrais faire une vidéo me direz-vous sur You Tube ou à la kamini c’est vrai mais j’ai pas envie. Et puis j’aime bien écrire. Et faire une vidéo pour intéresser un patron qui fait une émission de radio entre nous votre suggestion est un peu idiote. Non non un blog c’est bien.

Pourquoi ce blog ? Pour comprendre pourquoi je suis tant attachée à la - j’allais dire bouffe mais je crois que mon futur patron ne supporte pas ce mot donc - pourquoi tant attachée à la nourriture. Pourquoi je l’associe aussi puissamment au bonheur. Pourquoi manger me semble être un acte d’amour. Pourquoi j’aime préparer les repas pourquoi je trouve ça magique. Pourquoi j’ai envie de défendre ce qui me semble être l’essentiel et pire le transmettre à nos enfants. J’écoute de temps en temps l’émission, je ne suis pas non plus une fan comme papa qui ne loupe jamais un rendez-vous le samedi midi. Mon père ne les rate jamais car il les podcaste les enregistre les collectionne. Je suis pratiquement certaine qu’il a déjà envoyé une demi-douzaine de courrier à mon futur patron. Mais moi non je l’écoute avec plaisir mais pas fréquemment. Un matin de bonne heure pourtant il était avec Nicolas demorand un vendredi je pense et mon futur patron parlait des plats braisés le pot au feu ou la potée ça jouait sur le mot braise au petit déj on souriait. Voulez-vous que nous braisions ensemble voilà le genre de coquineries dites à l’antenne à l’heure de grande écoute. Mais oui c’est ça c’est tellement charnel un plat et l’amour qu’on y met dedans et la patience vous allez voir mes petits anges mes petits plats mon saladier et ma poêlée les ingrédients de mon amour. Une histoire de braise.

C’est donc pourquoi je vais raconter ici l’histoire de la fille qui veut travailler avec Jean-Pierre Coffe.