samedi 3 mars 2007

Mon premier arrêt maladie

Et mon dernier. Désolée patron de mon silence. Voici ma feuille marron celle que m’a donnée le médecin je ne pouvais pas faire autrement que de rester au lit le corps pris d’assaut par des virus par des microbes une bombardée quand ils s’associaient les uns aux autres en dansant joyeusement dans mon corps affaibli. Saletés. Traites. Mauvaises bêtes. J’ai lutté de tout mon vocabulaire. Et pourtant. J’ai succombé. Et j’ai tellement honte Jean-Pierre. Tellement. Je vous assure je suis une fille solide. Taillée dans le roc. Des cuisses à faire pâlir n’importe quelle pouliche de compétition. Des épaules bâties pour porter des sacs de farine d’au moins dix kilos. Piscine tous les mardis. Travail des muscles du dos. Fessiers. Pas abdominaux c’est le seul inconvénient de la natation il faudrait pour cela courir mais j’aime pas. Je m’ennuie quand je cours. Tandis que dans l’eau je me sens poisson j’évolue sirène je travaille à pétrir les éléments du corps sous le rouleau à tapisser de l’eau. Un corps pas vraiment d’athlète mais solide. Une bûche. Une fille de la campagne. Une Suzon en blouse bleue qui essuie la sueur de son front d’un revers de la main. Une Juliette aux mains agiles à broder sans lunettes les draps trop rêches depuis les lessives mécaniques. Une Manon qu’on devine les jambes galbées sous les collants de laine. Une Paulette aux yeux sévères quand il faut éplucher les carottes. Une Yvonne des villes pour aller vendre les œufs. Une Raymonde des champs pour taquiner le pis. Une méla méla Mélanie mets-la mets-la mets-la dans ton lit. C’est la chanson de mon grand-père celle qui énervait ma grand-mère et qui faisait glousser ma soeur et moi. Une brave je vous dis. Pas une qui tombe malade au premier coup de vent. Pas une qu’à la goutte au nez tout le temps. Pas une qui mange médicament. Une fille de la nature. Venez au creux de mon cou et vous sentirez la paille. Les céréales pour les lapins. La terre des céleris-raves. Fouillez mes cheveux et vous trouverez les bouts des haricots. Des plumes de mon coq. La coquille de mon œuf. Tâtez mais tâtez donc je suis élevée au grain je vous dis je ne vous ai pas menti sur la marchandise regardez ma boucle à l’oreille voyez l’origine cinquante pour cent Poitou le reste de Bretagne on peut guère faire mieux que ma ruralité mon origine contrôlée. Donc oui j’ai été faible face à la maladie. Mais là n’est pas le pire. Je n’ose pas vous dire. J’ai honte.

J’ai fini aux antibiotiques.

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