dimanche 18 février 2007

Le cochon

Ça me fascine chez vous, Jean-Pierre. Votre emphase. Bien sûr c’est l’origine de votre succès, la clé de voûte de votre réussite même si pas seulement. Mais alors quelle grande gueule. Vous dites truffes au chocolat pomme de reinette tartiflette cidre brut bière d’abbaye porc au miel papaye et crustacés et me voici dans une chanson qui ne s’arrête de tourner. Un manège. Sortent de votre bouche en cascade en tournante le murmure des forêts quand on cueille les champignons, le brouhaha incessant des marchés du samedi, les grosses voix des fermiers tout au bout de leurs champs, les bêlements de cette chèvre qui ne se laisse pas faire, le triomphe des tracteurs à la fin des moissons, le claquement des palais quand on goûte le vin, les gling-gling des couverts que l’on met sur la table, le ppppt des lèvres quand on crache les noyaux, le dring de la minuterie la cuisson est finie, les bouillons en cocotte de la braise annoncée, les ronchons symboliques du producteur bafoué, les colères historiques des paysans baisés, le cri douloureux et gravé à jamais du cochon qu’on égorge.

En parlant de cochon, je pensais tout avoir entendu sur l’animal, tenez que tout est bon, des oreilles qui croustillent aux pieds qu’on peut paner, du jambon cru ou cuit du jarret des travers, des rillons par exemple c’est typiquement tourangeau, du museau à la queue tiens la queue qu’est-ce qu’on en fait ? La queue de bœuf oui d’accord, dans un pot au feu ou cuite au vin très très longtemps avec des épices cette viande est tendre et ne ressemble à rien, mais la queue du cochon qu’en fait-on en cuisine ? Si vous voulez, ça peut être mon premier sujet d’enquête. Que faire de la queue du cochon. Je me charge évidemment de trouver les invités, de mener mon affaire aux quatre coins de France, de l’artisan qui recycle le malheureux appendice en tire-bouchon décoratif aux vrais restaurateurs qui affichent en lettres d’or la petite queue comme spécialité du chef. Une investigation à vous couper le souffle. Un premier sujet aux petits oignons. Ah vous ne regretterez pas de m’avoir embauchée. Vous pouvez commencer à vous frotter les mains une telle recrue du jamais vu. Le coup du siècle. Mais revenons à nos cochons. Je pensais tout avoir entendu sur le cochon mais non. Il a fallu votre emphase de vendredi dernier avec votre copain le petit Nicolas pour que je me rende compte que le porc était un mystère encore pour moi. Vous me parlez de côtes et voilà que "le goût l’esprit la générosité de la bête s’offre à moi". Je vous écoute au café et j’ai envie de cochon là tout de suite maintenant. J’ai envie d’une bête qui s’offre à moi. J’ai envie à la fois d’adopter l’animal et de me faire fermière. D’une blouse bleue comme mémé et d’un petit porc à moi que je vais bien élever. Vous me mettez l’eau et le cochon à la bouche. Ça me fascine je vous disais. Vous réinventez ce que je connaissais déjà. Où allez-vous chercher tout ça ? Comment vais-je faire pour au moins vous arriver un jour à la cheville ? Parce que d’accord je suis sérieuse mais quand même plutôt timide. Oui oui vous avez raison mon futur patron : chaque chose en son temps. D’abord les enquêtes. Ensuite votre succession. Vous êtes le plus sage derrière votre emphase. Et moi je pars à la quête des queues de cochons.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Et bien moi, une fois de plus, cette ôde au massacre de pauvres animaux sans défense m'a donné envie de vomir. Tu veux des queues de cochons? Va dans un élevage les récupérer, ils te remercieront, car ils ne savent pas quoi en faire après les avoir sectionnées à vif sans anesthésie.

Anonyme a dit…

Sans blague !